Telle la fée qui donna la vie à Pinocchio le pantin de bois, Lili Bel (ré) anime, fait briller ces petits riens qu’elle a su préserver de leur enfouissement dans notre mémoire.

Dans le cas de Cher Doudou, l’objet-doudou – héros de l’œuvre – n’est pas présent en chair et en os mais plutôt évoqué par un visuel auquel un texte a été juxtaposé, créant ainsi un diptyque. La présence du texte, qui appartient cette fois au registre de la fiction, se manifeste comme une sorte de journal intime attribué à chacun de ces personnages-doudou brodés tels des canevas, ce qui leur confère une présence quasi-humaine malgré leur réelle absence physique des oeuvres. Les histoires tragiques de ces doudous se succèdent, nous rappelant tantôt la douceur, tantôt la cruauté, tantôt la candeur, la fragilité ou l’éphémérité de l’enfance. Il ne s’agit plus cette fois-ci des souvenirs de l’artiste incarnés par des objets collectionnés, mais d’évocations, de fictions qui nous renvoient tout pareillement aux anecdotes de notre enfance.

Les techniques employées – couture, broderie, crochet – font encore appel à l’ouvrage textile mais cette fois-ci en référence à son aspect répétitif qui s’apparente au désir incessant qu’ont les enfants à entendre toujours les mêmes histoires. Cet aspect obsessionnel, aliénant, du travail de broderie nous renvoie au personnage de Pénélope qui tissait sans relâche en attendant le retour d’Ulysse, le héros. Il est d’ailleurs bien ici question d’attente puisque l’on découvre que ces fameux doudous – perdus ou oubliés – à qui Lili Bel donne la parole, sont tous plus ou moins prisonniers d’une interminable attente et dans la nostalgie d’un paradis perdu, passifs et impuissants face à leur destin.

De même qu’elle met en évidence l’aspect aliénant et conditionnant des travaux familiers du textile, en le remettant au goût du jour dans son propre travail d’artiste, n’en est-elle pas moins une ultime représentante ?

 

 
  Florence Garnier, janvier 2004.