Je suis Yonyon, le lionceau. Ma combinaison multicolore cache partiellement mon doux pelage fauve. Juliette est mon rayon de soleil. Elle ne sort jamais sans moi. Tenant l’une de mes longues pattes, elle me traîne souvent derrière elle. Il faut dire que Juliette n’est pas beaucoup plus grande que moi. Herbe, bitume, terre et poussière sont mes compagnons de route. Mes poils sont imprégnés de toutes ces odeurs de la rue. Ce que je déteste par-dessus tout, c’est lorsque l’on me jette dans une grande machine. Entouré de chaussettes, culottes et autres chiffons, je suis recouvert d’eau chaude et de savon. Enfermé ainsi pendant longtemps, je tourne, emmêlé dans ce désordre. Le moment le plus désagréable est celui où je tourne à toute vitesse. Mais c’est aussi le signal de la fin de mon supplice. Parfois, j’aperçois par le hublot de ma cellule, Juliette en train de pleurer, mais je ne peux pas l’entendre, il y a trop de bruit dans la machine qui m’emprisonne. Je préférerais partager le bain que Juliette prend tous les soirs. Non. On m’interdit de bain. Je dois rester immobile, à côté de la baignoire. Je la regarde s’amuser. Puis, après le dîner que nous partageons, nous allons nous coucher. Les histoires que l’on nous raconte dans la pénombre nous procurent beaucoup de joie. Aventure, frisson, voyages merveilleux, pays lointains, animaux féroces. Allongés dans le lit de Juliette, nous nous endormons enlacés. Coincé sous sa tête, lui servant d’oreiller, c’est ainsi que je suis le plus heureux. Nous partons souvent en voyage. Attachés à l’arrière de la voiture, nous jouons calmement. Dès notre arrivée, nous visitons les lieux. Campagne ou forêt, à nous la liberté. Notre jeu préféré est le cache-cache. Derrière un buisson ou un tronc d’arbre, j’attends silencieusement que Juliette me trouve. C’est parfois long. Surtout quand elle pique-nique avant de venir me chercher. La dernière fois, je m’en souviendrais toujours, j’étais très bien caché, dans un fourré d’orties. J’ai attendu. Attendu très longtemps. Au milieu de ces grandes orties. Et puis, les pleurs de Juliette. J’attendais, j’aurais voulu rugir, mais aucun son ne sortait. Puis, le bruit du moteur. La voiture qui s’éloigne, emportant avec elle les pleurs de Juliette. Le silence. J’attends toujours. Dans ma cachette. Seuls les insectes et les araignées me rendent visite. Parfois, un petit mammifère vient à passer. J’attends, seul. La nuit, le froid, la pluie ou le soleil, ponctuent mon attente. Une voiture qui s’approche puis s’éloigne. J’attends. Toujours. Je sais qu’elle viendra me chercher. J’en suis sûr.