Je suis Banana, le singe turbulent. Je me souviens de la boîte dans laquelle je suis resté prisonnier des jours durant. Lorsque la boîte s’ouvrit, j’ai tout de suite vu Suzy, devant un grand sapin joliment décoré. Qu’elle était mignonne Suzy ! Nous faisions alors la même taille. Dès le premier jour, nous sommes devenus inséparables. Le temps passait, rythmé par les différentes saisons. Suzy a grandi bien vite. Elle me portait sous son bras. De sa petite main, elle caressait toujours le bout d’une de mes pattes. Cette dernière commençait même à s’user. Parfois, Suzy faisait la fofolle. Moi, j’aimais bien ces moments-là. Elle me prenait par la queue et commençait à tourner sur elle-même. Je tournoyais autour d’elle, prenant de la vitesse. Grisé par cette ronde, je perdais mes repères. Puis brusquement Suzy me lâchait. Après un long vol, j’atterrissais au hasard de ma trajectoire. Parfois par terre, parfois dans un arbre. Je me souviens même lorsque j’ai atterri dans l’eau. Je flottai un moment puis finis par couler. C’est le père de Suzy qui me repêcha. Suzy pleurait, son père criait. J’avais eu très peur pendant la noyade mais la baignade m’avait d’abord amusé même si l’eau était plutôt froide. Nous partîmes ensuite en vacances. Le long trajet en voiture nous avait permis, Suzy et moi, de dormir dans son siège-auto. Puis ce fut la funèbre pause pipi. Nous allâmes dans la station essence. Suzy me posa sur le rebord des lavabos. Elle alla aux toilettes avec son père. Je les vis ressortir, passer devant moi, et s’éloigner. Ils disparurent derrière la porte vitrée. J’aperçus encore un instant leurs silhouettes floues. C’est la dernière image de Suzy. De nombreuses personnes ont ensuite défilé devant moi, des adultes, des enfants. Une femme poussant un chariot s’est arrêtée devant moi, elle m’a posé au-dessus de ses chiffons. Elle m’a ensuite confié à un homme. Je suis resté là, sur une étagère, très longtemps. Un jour, un autre homme m’a emmené dans son gros camion. Depuis, je voyage avec d’autres animaux, assis comme moi sur le tableau de bord, le nez collé au pare-brise. Je voyage sans arrêt, espérant à chaque trajet revoir Suzy. Suzy que je n’oublierai jamais.