| Dans
la continuité de son dernier travail présenté à Jeune
Création 2004 - Infiniment Vôtre, Lili Bel revient aujourdhui
avec un projet dinstallation dans lequel il est à nouveau question
de confronter des objets issus du quotidien à des écritures - ici
brodées. Ce travail nous offre à voir un dispositif qui réunit
dune part un accrochage frontal dune série de douze petites
uvres en noir et blanc - de format et composition identiques, parfaitement
alignées à la hauteur du regard, dautre part, encadrant cet
accrochage, deux amoncellements de papiers blancs à chaque angle du mur.
Au premier coup dil, chacun des travaux accrochés figure comme
un message directement perceptible : un mot
un simple mot écrit en
noir sur fond blanc. Autant de mots que duvres : Abandon, Larmes,
Solitude
de simples mots isolés sur leur support, mais dont
limpact brutal nous confronte sans pudeur au sujet. Cest seulement
en se rapprochant quil nous est possible de distinguer la texture même
de ces uvres : les mots-message sont en fait brodés sur des
mouchoirs en papier blanc. Chagrin, Colère, Renoncement
Lili
Bel inscrit ainsi son désespoir à la suite dune rupture amoureuse.
En les brodant, elle fixe et donne corps à ses maux, à ses larmes
qui perlent, point après point, sur de petits mouchoirs fragiles et éphémères,
qui auraient dû être voués à la destruction après
avoir recueilli des sécrétions indésirables du corps. Ces
mouchoirs brodés ne sont pas sans nous rappeler ceux, plus nobles et fleuris,
que se confectionnaient les jeunes filles dautrefois en vue de leur dote
de mariage, avec, en guise de singularité, leurs propres initiales. A linverse
cependant, les mouchoirs de Lili Bel identifient leur propriétaire et créatrice
comme victime de la Trahison, Souffrance, Angoisse. Quant aux tas de
papiers blancs, ils savèrent eux aussi constitués de mouchoirs
en papier entassés, accumulés, abandonnés dans les coins.
Mais ceux-là sont anonymes et souillés de larmes virtuelles. Ils
ne portent aucune inscription. Froissés, muets, ils renferment sans doute
ce qui, dans la souffrance, est, au-delà des mots... indicible
Peut-être
cachent-ils aussi les résidus de cette même souffrance qui se déposent
en chacun de nous comme des strates sans cesse recouvertes, invisibles
Du
point de vue plastique, le choix dune présentation sobre et épurée
- dans ses lignes, ses matériaux et ses couleurs, avec, pour unique ornementation,
un simple cadre noir autour de chacune des uvres accrochées, évoque
de façon évidente lesthétique mortuaire des faire-part
de décès. Lili Bel brode de façon obsessionnelle, mouchoir
après mouchoir, elle pleure son amour perdu et nous invite à partager
son deuil dans ce travail qui revêt alors un caractère cathartique
et salutaire. Absence, Fin, Vide
Prune Kantor, août 2004.
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