Longtemps reprisés. Souvent méprisés.
Œuf, patate, aiguille, fil.
Avec plus ou moins de dextérité et de réussite.
Résultats variés.
J’ai longtemps entendu mon père, qui n’a pourtant jamais tenu dans ses doigts un fil et une aiguille, se plaindre des dites reprises accomplies par ma mère.
Les chaussettes sont devenues des consommables, du jetable, comme beaucoup d’autres objets que l’on s’évertuait à réparer tantôt. La chaussette se jette.
Limée, elle perd de son éclat. Détendue, de sa tenue. Trouée, elle devient la cause d’une gène certaine, si on doit se déchausser en public. La honte.
Pourtant, chaque usure a son histoire, est une histoire.
L’homme les use énormément. A-t-il moins de chaussettes que la femme ? Est-il plus négligent quant à l’entretien de ses ongles d’orteils ?
Les chaussettes durent plus longtemps chez la femme. Porte-t-elle plus souvent les pieds nus dans ses chaussures ? Les collants et bas prennent-ils souvent le relais ? En possède-t-elle davantage ? Se coupe-t-elle et se lime-t-elle les ongles des orteils plus régulièrement ?
Le pied de la femme est généralement plus petit, moins musclé que celui de l’homme. La chaussette subit-elle moins de frottements ?
L’enfant, lui, les use différemment. Au talon, lorsque ce dernier lui descend sur la plante du pied, faute de croissance aiguë. Egalement au-dessous, puisque celui-ci aime à marcher en chaussettes. La perte d’une seule chaussette chez ce sujet est très fréquente.
Chaque trou a son histoire, son propre vécu.
Les tableaux-assemblage sont les fidèles témoins de toutes ces histoires. La vie des chaussettes portées par une même famille.

Nota Bene : le nourrisson n’est pas pris en compte dans cette étude car il n’use hélas pas les siennes.

Lili Bel, 2001